Ce qu'il faut savoir sur la prise de poids pendant la grossesse

Par : Dr. Elie Servan-Schreiber

Prendre des kilos pendant la grossesse est tout à fait normal et même nécessaire. Mais pour éviter les risques, mieux vaut maîtriser sa prise de poids quand on est enceinte

Pourquoi prend-on du poids pendant la grossesse ?

Lorsque vous êtes enceinte, une série de mécanismes vont de mettre en route afin d’assurer une bonne croissance à votre bébé.

D’un côté le bébé, son liquide et son placenta, pèsent un certain poids. Mais il ne faut pas oublier l’augmentation du volume sanguin de la mère, l’augmentation du volume mammaire et une rétention d’eau physiologique. Sans compter une petite réserve en graisse, bien utile en cas d’allaitement.

pregnant woman drawing

La répartition, en fin de grossesse se fait grossièrement comme suit :

Néanmoins, la prise de poids est souvent supérieure à cela...

Les envies de grossesses, les nausées du premier trimestre, les contraintes alimentaires liées à la toxoplasmose ou à la listeria peuvent pousser à changer de régime alimentaire. Parfois aussi, se savoir enceinte écroule les barrières psychologiques qui pouvaient exister avant et conduit à une certaine perte de contrôle.

Enfin, la pression sociale des proches, pour qui « il faut manger pour deux » n’aide pas. En effet, pendant la grossesse, il ne faut pas manger deux fois plus, mais deux fois mieux.

pregnant woman belly

Quels sont les objectifs de prise de poids pendant la grossesse ?

L’objectif de prise de poids au cours de la grossesse varie selon votre corpulence de départ, que l'on calcule par l’indice de masse corporelle (poids divisé par taille au carré).

Calculer mon IMC

poids (kg) :

taille (cm) :

Prise de poids total recommandé selon la corpulence :

IMC avant grossesse Grossesse simple Grossesse gémellaire
<18.5 (Maigreur) 12-18 kg
18,5-24.9 (Normal) 11-16 kg 17-24,5 kg
25-29,9 (Surpoids) 7-11 kg 14-22,5 kg
30 (obésité) 5-9 kg 11-19 kg

Elle n’est pas linéaire. En effet, la prise poids sera plutôt faible en début de grossesse et s’accélèrera au fur et à mesure. Il faut compter 1kg par mois au premier trimestre, 1, 5kg par mois au deuxième trimestre et 2kg par mois au troisième trimestre.

Ces données sont issues de très larges études sur de multiples populations. Il est important de s’y référer, mais il est également important de se rappeler que le métabolisme de chacune lui est propre et que des variations sont toujours possibles.

Quels risques existe-t-il si je prends trop ou pas assez de poids pendant ma grossesse ?

Prise de poids excessive

Les risques pour maternels sont assez nombreux et regroupent l’hypertension gravidique (de grossesse), la pré-éclampsie, le diabète gestationnel, et l’augmentation du risque de césarienne.

Les risques fœtaux sont notamment un terme prématuré de naissance, un petit poids fœtal à la naissance, ou à l’inverse, un poids élevé à la naissance (gros bébé : macrosomie).

Prise de poids insuffisante

Chez les patientes en surpoids, Il n’existe pas de preuve scientifique montrant qu’une prise de poids inférieure aux recommandations se traduisent par un risque fœtal ou maternel quelconque.

Chez les patientes obèses dont la prise de poids serait inférieure à celle recommandée, et à fortiori parmi celles qui perdent du poids pendant leur grossesse, les résultats sont complexes. Certaines données suggèrent un rôle protecteur sur le poids du bébé à la naissance et la nécessité de césarienne, mais aurait un impact défavorable sur le terme d’accouchement et la probabilité d’un petit poids de bébé à la naissance.

Comment faire pour maitriser sa prise de poids ?

Environ 1 patiente sur 3 arrivera à atteindre l’objectif. C’est dire si la maitrise de son poids est difficile !

L’apport calorique recommandé par jour se situe entre 1800 et 2000Kcal par jour chez une femme, en fonction de son activité physique. La grossesse augmente les besoins d’environ 150Kcal par jour sur les 3 premiers mois, et de 300Kcal sur les 6 derniers.

C’est assez peu. Pour donner une idée une banane, c’est 90 kcal, un muffin, ou un pain au chocolat, autour de 400. Ces données viennent bien souligner qu’on ne mange pas plus pendant une grossesse, mais qu’on mange mieux.

Facile à dire, mais comment fait on quand on a des nausées, ou bien des fringales ?

happy woman eating avocado

On peut fractionner les repas. Avec une petite collation en milieu de matinée et une dans l’après midi. Attention, ces collations ne sont pas des repas en plus, mais bien une fraction de l’apport total sur la journée, qui lui, reste le même.

Le grignotage (mais ca vaut aussi en dehors de la grossesse) est un ennemi fourbe. En effet, il compile un apport souvent calorique, et un sentiment de satiété presque nul. Votre cerveau n’interprète pas que vous mangez, lors du grignotage, et la sensation de faim est pratiquement inchangée. Et pourtant, vous avez ingéré des calories qui se traduiront par une prise de poids. Un petit paquet de 100g bonbon chocolatés au cacahuete, c’est 500kcal. C’est pratiquement l’équivalent d’un repas entier !

Le suivi mensuel par votre medecin ou votre sage femme sera un bon fil conducteur pour suivre votre courbe de poids. Ils seront d’une aide précieuse pour vous conseiller sur les habitudes à prendre et les petits défauts à corriger. Il est possible qu’ils fassent appel à un nutritionniste ou un diététicien pour affiner encore la prise en charge au niveau nutritionnel et de la prise pondérale.

Les recommandations peuvent parfois paraitre peu pragmatiques voir sembler contradictoire. On vous demande en effet de manger mieux et surtout pas plus, mais on vous demande aussi de laver les fruits et légumes (parfois au vinaigre !), de bien tout cuire, de pas manger les mêmes fromages etc… La tentation est grande de se tourner vers les produits industriels ou frits !

Et puis il existe des pièges...

Les faux amis : les fruits sont réputés bon pour la santé. Et ils le sont indéniablement. Mais la grossesse est une occasion d’essayer de se faire du bien, alors on consomme ces fruits sans trop regarder, puisque de toute façon c’est bon pour la santé. Certes, mais c’est sucré ! J’ai en souvenir cette patiente qui avait arrêté le coca-cola zéro pour passer aux smoothies (5 par jours quand même). Le reste de son régime n’avait que peu changé. Elle était très étonnée de voir la balance grimper en flèche.

Le régime équilibré mais copieux : voilà encore l’histoire d’une autre patiente qui avait également un problème de prise de poids. Très frustrée, elle m’assurait manger équilibré. Et de fait, chaque repas l’était : une entrée avec des crudités, une viande grillée, des pâtes, un fromage, un laitage, un dessert et parfois un fruit. Dans ce cas-là, la proportion d’apport en glucide, lipide et protéine est peut être la bonne (encore que j’ai des doutes sur la fin de repas), mais ça reste un repas riche. Et cette patiente le répétait deux fois par jours, tous les jours, midi et soir (sans compter un petit déjeuner copieux).

L’envie correspond au besoin : C’est une raison qui semble si encrée au fond de nous qu’elle semble évidente. Si j’ai envie de manger, c’est que je dois en avoir besoin. Si mes envies changent pendant la grossesse, c’est que ça doit être bon pour l’enfant. Ca n’est pas si simple et il faut se plaindre auprès de nos ancêtres, homo erectus et sapiens. En effet, lorsque nous n’étions qu’au milieu de la chaine alimentaire, les repas quotidiens n’étaient jamais garantis. Il fallait pouvoir stocker de l’énergie quand elle était disponible en prévisions de jours plus maigres. Sauf situations particulières, nous n’avons plus ce problème au quotidien. Néanmoins, le mécanisme qui était un atout de sélection naturelle de l’espèce est resté. Il explique pourquoi nous avons une appétence plus grande pour ce qui est sucré ou gras. Il faut donc parfois se détacher de nos envies instinctives qui ne sont plus toujours adaptées à notre bien-être et à notre santé.

L’ennui : parfois, on s’ennuie. Vous êtes en congé maternité, et vous avez beaucoup a faire : préparer l’arrivée de bébé, sa chambre, les rendez-vous médicaux, les cours de préparation etc… Et puis de temps en temps, il y a des temps morts. Votre cerveau, n’aime pas ça. S’il n’est pas nourri (par une activité physique, un objectif, de la lecture etc…) il va chercher à détourner le problème et susciter une impression latente de faim. Combien de fois se retrouve t-on à contempler le fond du frigo lorsqu’on s’ennuie ? Combattez l’ennui par un autre type de nourriture pour votre cerveau. Plongez-vous dans un livre, informez-vous sur l’arrivée de bébé, sortez marcher, faites un jeu stimulant, mais évitez le frigo.